01/12/2016

ANALYSE/CRITIQUE : TU NE TUERAS POINT (Hacksaw Ridge - Mel Gibson - 2016)

Ou comment lutte la figure du Candide


Il y a des falaises d'où la vue est meilleure, et d'où l'élan précède une belle envolée.


  Du démarrage classique – cadres classiques, situations classiques : flash-back de l'enfance, rencontre avec une fille, on a même l'adieu des amoureux avec le train qui part... - je retiendrais le visage écarquillé de l'enfant, juste après son acte de violence envers son frère. Un hébétement qui correspond à ce que nous décrirons plus loin.


Ce début de film fait un peu tomber l'espoir. Et puis, le film devient gris. La teinte était déjà dans le ciel, au-dessus de la tête d'Andrew Garfield quand il dit à son supérieur que non, il n'utilisera pas d'armes. Il reste gris un bon bout de temps, dès lors que le combat commence – par un sursaut de mort-vivant. Et le personnage de Desmond Doss prend toute sa mesure de héros au moment où il parle tout seul sur le champ de bataille, demandant à son Dieu ce qu'il doit faire : une voix humaine lui répond « Infirmier !! » et il s'enfonce dans la fumée noire, qui l'engloutit. J'ai eu peur qu'avec ce démarrage classique, le film ne réussisse pas à être épique – comme l'est Braveheart -, il l'est, à partir de ce moment, et avec ensuite l'incroyable scène des sauvetages.

Alors oui, Gibson transforme son Doss en Jésus – littéralement à la fin, avec le capitaine Glover qui le pousse à accepter d'être leader de la troupe « Ils ont besoin de ta croyance » ; et il finit volant dans le ciel, sans jamais avoir lâché sa Bible. Pas seulement une obsession du réalisateur – on connait son attachement à la chose -, il s'avère que le vrai Doss, qui apparaît à la fin, était très croyant.
Et peu importe. Si l'on veut penser ce sauveur comme un Dieu, de part sa rareté, on pourrait. J'y ai suffisamment vu l'homme pour que ça me touche. La plus belle idée du film selon moi, et ce qui nous accompagne encore à la fin de la projection, c'est l'idée de faire voir comment une figure de l'innocence, de la naïveté, va traverser ce monde gris fait de corps transpercés. Il s'agit de comprendre le mot naïveté dans son sens positif : il porte pour moi les notions de simplicité dans le rapport que l'on a aux autres et au monde, celle de premier regard, de pureté, quelque chose qui n'aurait pas été entaché, influencé par la société. Un regard innocent qui ne comprendrait pas pourquoi il faut se battre les uns contre les autres. Cette figure serait nommée très vite simple d'esprit par nos pensées civilisées, car on ne la trouvait pas à l'époque - et existe-t-elle aujourd'hui ?? Une figure naïve comme une figure de style tissée tout au long du film, et remarquablement incarnée par les sourires d'Andrew Garfield, ceux qui font remonter ses pommettes, ceux qui lui donnent cette tête un peu bêta, cette tête d'enfant. Un visage qui, dès le départ, le place à part, et souligne ce qui le rend unique. Tout comme son bandage d'infirmier (la croix rouge sur un tissu blanc) le distingue des autres visuellement.
Mais la poésie est malmenée dans ce monde qui est le nôtre, et la figure sera peu à peu grimace ensanglantée, et douleur.


Peu de photos avec les sourires en question, alors allez voir le film en salles !!


  La réflexion de Mel Gibson sur la violence continue. Elle est toujours là, immanquable, sans pitié ; mais elle a face à elle, tout aussi puissante, la croyance en la liberté (hurlée dans Braveheart) et en la paix (ici).
S'ils sont d'une cruauté délibérément exposée, les attaques entre les deux camps ont ce je-ne-sais-quoi qui, au bout d'un moment, peint le tout d'une même couleur. Comme un tableau sur lequel on ne distinguerait pas tout. Qui présenterait une mascarade de visages changeant tous de teinte. Les 'gueules' filmées par Gibson sont complexes et marquantes – quelle stupeur de revoir Hugo Weaving et Vince Vaughn !!

J'aime aussi cette façon qu'il a eu, à quelques reprises, de filmer les nuques – celle de Garfield, celle de Weaving dans son premier plan. Comme si ce qui est derrière, dans la tête, souvenirs, traumatismes, conscience, était aussi important à contempler avant de faire face au visage.

 Alors juste une remarque. Avec ce personnage incroyable, « porte-paix » plus que porte-drapeau selon moi, Mel Gibson n'avait pas besoin de conclure par l'apparition des vrais protagonistes (un tic des films adaptés d'histoires vraies), ni de la répétition de la scène où Doss enlève le sang des yeux de son camarade blessé, qui se croyait aveugle. L'émotion était déjà là dans la fiction. Mais bon, ça ne gâche pas l'entreprise, le vrai Doss en impose, et le mot « sourire » est prononcé. C'est une simple petite note à Mel : tes héros sont des beaux héros, puissants, que tu as ici très justement épargné d'auras lumineuses que d'autres réalisateurs auraient utilisées, particulièrement dans cette réciprocité christique. Doss se fond dans le gris, s'en accommode et le rend lumineux par sa propre clarté. Fais donc simplement plus confiance à tes personnages. Ils n'ont pas besoin de tous ces ralentis, ni de rappel de la réalité en épilogue.
Ils ont cette falaise : au début du film, elle est l'escalade joyeuse des enfants – ils sont en haut, le monde est à eux -, puis elle est ascension jusqu'au baiser ; et enfin elle sera délivrance, exploit, et élan pour la vie, et la paix.

I'm Mel Gibson and i'm fucking badass
 



CHARLOTTE

2 commentaires:

  1. Vous devriez regarder un tel film https://filmstreamingvf.bz/ et il est entièrement gratuit ici, donc je vous conseille de l'étudier vous-même.

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