24/05/2015

LE CINÉMA FRANÇAIS N'EST PAS (TOTALEMENT) MORT

             Nouvelle venue dans l'équipe du DWARF, M.W-N partage en ce jour du seigneur son point de vue concernant cette certaine tendance à casquer un peu trop hâtivement un cinéma "qui forcément déplaît" à l' "élite" se réclamant d'une certaine "cinéphilie". Trop facile selon elle... 

        Il est vrai que le cinéma français est décrié aujourd'hui pour une raison assez sous-jacente, c'est que nous attendons beaucoup de lui. La France, considérée comme la terre-mère de l'histoire du cinéma à l'instar des Américains avec Thomas Edison, se repose sur ses lauriers depuis plusieurs paires d'années selon certains. Il est bien évident que si nous attendons un nouveau Lumière ou un nouveau Méliès, il faut s'accrocher. Pour ainsi dire, vous ne trouverez nulle remarque élitiste de ma part mais bien réaliste, eux sont morts, laissons la place aux vivants.
Comme on dirait dans le jargon courant : "L'espoir fait vivre". Alors laissons supposer que le cinéma français peut être encore un espoir et donc un espace vital. Nous allons donc étayer ce point de vue.



        Prenons par exemple un film que quelques personnes dites « cinéphiles » ont honte d'avoir vu un jour dans leur vie ou au contraire n'ont jamais vu, mais diront de ce film qu'il est bon à jeter aux oubliettes sans en avoir goûté la saveur.
       Je parle pour ainsi dire d'un film français à succès qui suscite une certaine polémique : Bienvenue chez les Chtis (réalisé par Dany Boon). Je ne suis pas là pour choquer mais pour poser un fait. Si ce film a eu du succès, ce n'est en aucun cas parce que la majorité des gens qui sont allés le voir ne connaissent pas le « vrai » cinéma français, ou encore que le cinéma français a baissé en regard critique. Et je pourrai ajouter d'autres sempiternelles phrases toutes faites. Moi qui ai vu le film, je peux avouer au risque de me faire radier de la société des « cinéphiles » que je l'ai apprécié en tant que bon film. Il ne méritait pas non plus un succès proéminent (quoiqu'il le mérite peut-être bien plus que La Famille Bélier réalisé par Éric Lartigau : consensuel et affligeant pour les sourd-muets), mais il est très agréable à visionner. C'est assez subjectif bien sûr, mais nul ne fait de critiques totalement objectives. J'ai apprécié ce film pour la simple et bonne raison qu'il est simple, et au delà de faire passer un bon moment, il est généreux. Il réussit à être drôle tout en s'éloignant de certains clichés (même si tout le monde sait qu'il en faut pour toutes choses), et réussit à être touchant. Il est très certainement loin d'un Visconti, je vous l'accorde. Il n'y a pas beaucoup d'apports esthétiques comme dans un Guépard, mais je crois bien que pour éviter toutes critiques négatives envers ce genre de films, il faudrait revoir l'éternelle césure que nous nous amusons à créer entre "CINÉMA POPULAIRE" et "CINÉMA D'AUTEUR", ou si vous voulez "CINÉMA INDUSTRIEL" et "CINÉMA DE L’INTELLIGENTSIA".
        Si Bienvenue chez les Chtis est détesté par certaines personnes, je peux tout à fait le concevoir. Il a été réalisé pour un fait précis et que Dany Boon ne vienne pas nous dire le contraire : SE VENDRE. Mais ceux qui se trouvent derrière la caméra ne sont pas réellement les fautifs, nous en faisons partie également. A trop vouloir ranger dans des cases, faire des castes, nous finissons par oublier l'essentiel du cinéma à mon sens : LA VIE. Afin d'enlever cette image de bipolarité qui nous colle à la peau, le maître-mot c'est OSER. Comme quelques films étrangers que nous trouvons plaisants à regarder, nous occidentaux, il faut OSER. En osant, même le MAUVAIS aura du BON. Et Dieu seul sait qu'aujourd'hui, nous avons du modéré...

       Le cinéma français est considéré comme assez vide et souvent comparé au cinéma américain. Seulement je ne savais pas qu'un 22 jump street bien que très agréable à regarder était bien mieux qu'un Connasse : princesse des coeurs, tout aussi agréable. Je compare très certainement l'incomparable mais je joue aux mêmes jeux que certains quand il s'agit de comparer un film américain et un film français. Le rapport n'est pas tout à fait le même entre ces deux industries. L'une a de l'argent, l'autre beaucoup moins, et je m'efforce à trouver du bon partout. Parfois, le cinéma français échoue en tous points comme Lucy de Luc Besson qui est le symbole d'un cinéma d'usine sans scénario, sans réalisation, sans acteurs, sans RIEN. Mais ne nous attardons pas trop là-dessus. Je voudrais parler positivement aujourd'hui et je ne voudrais pas vomir.
Documentaire de 1947 pour la défense du cinéma français.
        Revenons donc à cette histoire étonnante entre le cinéma américain et le cinéma français qui débute après la seconde guerre mondiale. Les salles françaises qui ont connu un essor cinématographique avant la guerre notamment avec le début du cinéma parlant se voient obligées de se soumettre à un régime américain. Le Conseil supérieur de la cinématographie (décret du 30 août 1931) créé par Maurice Petsche (gouvernement Pierre Laval) voulant « combattre l'immoralité et la concurrence excessive d'Hollywood » n'a plus aucun pouvoir depuis bien longtemps, et l'interdiction des films américains divulguée en 1939 doit disparaître en 1946 au vu des accords Blum-Byrnes pour régler les dettes de la France au sortir de la guerre.         Cette dernière signe les accords et accepte désormais de n'utiliser que 4 semaines sur 13 pour la diffusion de ses films. En réaction, les autorités françaises créent le 25 octobre 1946 la CNC (centre national de la cinématographie) afin de protéger le patrimoine : voilà de quelle façon naît cette grande histoire de haine, et d'amour. Et lorsque nous croyons que quelques acteurs français sont connus aux États-Unis, nous nous trompons. J'ai mené ma petite enquête fut un temps. Marion Cotillard et Jean Dujardin inconnus au bataillon et Gérard Depardieu connu seulement pour avoir assisté (traduit en « participé » par le Time) à un viol à 9 ans. Seule Juliette Binoche s'en sort indemne de cette grande bataille, mais elle n'est connue que par l'élite américaine.

        Pour en revenir au cinéma français, je vous présente un film très astucieusement réalisé par Yann Gozlan, et mené délicatement par Pierre Niney et Ana Girardot : Un homme idéal. Bon nombre d'entre nous, et j'avoue en avoir fait partie, voulaient boycotter ce film pour le simple fait de ne pas voir la tronche de Pierre Niney sur grand écran, de ne pas voir un énième film avec un titre similaire aux autres et de ne pas subir un thriller psychologique à la française avec en prime des « Tu as vu l'effet, je suis un réalisateur super intelligent ». C'est vrai, nous raisonnons ainsi, et parfois c'est fort dommage lorsque par hasard, nous sommes amenés à voir un bon film. Pierre Niney s'effaçait au point de devenir son personnage, et je croyais très fortement au thriller psychologique que j'avais devant les yeux. J'ai vu chacun des effets amenés, et à aucun moment j'ai senti la supériorité du réalisateur face à moi. Il m'amenait dans ma propre intelligence pour faire résonner en moi quelque chose de profondément intéressant. Mais par dessus-tout, laissez-moi vous affirmer que LE CINÉMA FRANÇAIS N'EST PAS TOTALEMENT MORT : 

... et MAESTRO s'en est très bien chargé.

Réalisé par Léa Fazer, et écrit par cette dernière et Jocelyn Quivrin, il répond d'ailleurs très bien à la problématique.


        Si le CINÉMA POPULAIRE et le CINÉMA D'AUTEUR se rencontrent, qu'en est-il du CINÉMA (français) ?
De l'OR à l'état pur, de la VIE.
        C'est la rencontre entre Henri fan de Fast and Furious et Cédric Rovère, monstre sacré du cinéma d'auteur. Tout les sépare en surface mais ceci n'est qu'un cliché vite rompu parce qu'en vérité tout les lie. Henri et Cédric Rovère sont pour ainsi dire la personnification de ces deux cinémas que tout oppose. "Les contraires s'attirent" certes, mais là il ne s'agit pas de contraires, mais bien d'un cinquante cinquante que nous additionnons pour faire cent. C'est une œuvre qui rend hommage à Jocelyn Quivrin et à Eric Rohmer, disparus tous deux en 2009-2010 à quelques mois d'intervalle. Rajoutons que c'est une œuvre qui rend hommage au cinéma (français) et qui doit se perpétrer : une porte ouverte donc à un cinéma, je l'espère, plus grand, qui reliera et les fréquentations des Cinémas d'Art et d'Essai et celles des Cinémas à "pop-corn" : « Verlaine, what else ? ».

       Parce qu'il n'y a que nous (je parle bien d'humains et non de français) pour catégoriser parfois hâtivement. Il faut regarder avec bienveillance et ne jamais oublier que Beckett n'a jamais voulu être considéré comme un auteur de l'absurde ou que Picasso a survolé les mouvements qu'il créait pour les éviter. Anton Tchekhov dira dans Les Lettres« Les œuvres d’art se divisent en deux catégories : celles qui me plaisent et celles qui ne me plaisent pas. Je ne connais aucun autre critère. ». Donc arrêtons de nous dire "cinéphiles"

                                           
                                         Nous aimons juste le cinéma. Un point c'est tout.

                                                          M.W-N

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